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derrière les vieux murs en ruines

ou un mouton sur lequel ils se ruent, en une dégoûtante et sauvage curée.

Des mains frénétiques écartèlent la victime, arrachent les entrailles, les morceaux de chair pantelante, la toison maculée… Grisés par le sang dont ils sont couverts, les Aïssaouas poussent des rugissements de plus en plus effroyables. Leurs yeux se dilatent au fond des orbites, leurs doigts crispés semblent munis de griffes, leurs gestes se font terriblement menaçants.

Ce ne sont plus des hommes, mais des fauves : des lions, des loups, des panthères, des sangliers, suivant le rôle qui leur fut assigné dans la Confrérie.

Quelques-uns tombent raides, soudainement épuisés ; d’autres se tordent, l’écume aux lèvres, en de hideuses convulsions… Puis les chefs, à coups de matraque, chassent la troupe hurlante qui s’éloigne, bannières au vent, et se dirige vers le lieu d’un nouveau carnage.

Appuyées au rebord de ma terrasse, Yasmine et Kenza regardent, avec passion, avec béatitude. Yasmine en folie, les yeux convulsés, secoue frénétiquement sa tête et crie :

— Allah ! Allah ! Allah !