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derrière les vieux murs en ruines

missent d’angoisse et de plaisir à la pensée des choses qu’elles ne voient pas.

Des légendes se répètent avec un petit frisson : celle de l’Aïssaoui que l’on enchaîne chaque année, au moment de la fête, depuis que, hors de lui, au retour d’une procession, il dévora son propre enfant…

Celle des Juifs qui furent happés et dépecés comme de simples moutons…

Celle des Sehim, si terribles en leur délire sacré, que l’entrée de la ville leur est interdite…

Mes amies supputent gravement le nombre de pèlerins accourus « du monde entier », des Chleuh descendus de la montagne, des agneaux égorgés et des babouches vendues aux étrangers.

Lella Meryem se passionne aux récits de ses esclaves ; une lueur de volupté trouble ses yeux enchanteurs, pour le massacre d’un mouton…

Toute la maisonnée de Lella Oum Keltoum trépide sur la terrasse. J’ai vu ma petite voisine, oubliant ses tourments et ses haines, s’agiter en cadence avec des airs d’exaltation, tandis que la grosse Marzaka, secouée d’une crise hystérique, se débattait, entre les mains des négresses, afin de se précipiter dans l’espace, au passage des Aïssaouas.

Ils sont nus, ils sont hagards, ils sont horribles… Leurs mouvements et leurs cris ont l’implacable continuité de la démence.

Du haut des terrasses, on leur jette une chèvre