Page:Lens - Derrière les vieux murs en ruines, roman marocain, 1922.djvu/70

Cette page a été validée par deux contributeurs.
65
derrière les vieux murs en ruines

baisent dévotement le burnous, frôle la poussière de ses draperies… Des femmes voilées heurtent à un seuil, s’engouffrent silencieuses et gauches, par la porte entr’ouverte. Un notable trottine sur sa mule, suivi d’esclaves noirs et luisants. Les muezzins jettent leurs invocations du haut des minarets… et la vie s’écoule monotone, calme, heureuse, facile, à l’ombre des treilles et des vieux murs.

Pourtant, chaque année, vers cette époque du Mouloud, Meknès sort de sa léthargie pour devenir la plus frénétique cité de l’Islam.

Depuis deux jours, ses fils, frappés d’une subite et sanguinaire folie, se sont mués en Aïssaouas aux regards hallucinés, aux cris rauques, aux trépidations épileptiques.

De tout le pays accourent, par bandes, les membres de la Confrérie : maigres Sahariens, élancés, vigoureux et bruns ; habitants des rivages et des villes, dont la démence passagère secoue la nonchalance ; pâtres, cultivateurs, guerriers ; Berbères aux vêtements grossiers et aux traits rudes ; Algériens et même Tunisiens, que la longueur du trajet ne détourna pas du pèlerinage au tombeau de leur très saint patron, Sidi ben Aïssa.

Mais les lettrés jugent et déplorent leurs pratiques, si contraires aux enseignements de Notre Seigneur Mohammed, Envoyé d’Allah.

Certes, Sidi ben Aïssa fut un homme sage,