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derrière les vieux murs en ruines

sienne. Ce ne sont plus, à présent, que faces de nuit où luisent des yeux et des dents.

Le teint bronzé de Lella Oum Keltoum y gagne un éclat imprévu. Au milieu de cet étonnant entourage, elle semble vraiment une souveraine. Pauvre petite sultane ployée sous la tyrannie maternelle et plus esclave que ses esclaves !

Ses révoltes augmentent le malaise qui plane en ce logis. On y sent des intrigues, des convoitises, des haines.

Nous échangeons de vagues politesses, tout en buvant du thé. Marzaka, assise auprès de moi sur le sofa, épuise les compliments. Lella Oum Keltoum garde un silence maussade et son visage devient plus dur lorsque sa mère l’en réprimande. Chacune m’épie, les paroles se font rares.

… De la rue, à travers les murs, parvient une mélopée dont le sens m’échappe. Mais les femmes ont reconnu cet appel, car toutes, sans plus se soucier de ma présence, elles se précipitent vers le vestibule.

Seule, Lella Oum Keltoum reste avec moi. Son visage aussitôt se détend :

— Ô chérie, me dit-elle, tu rafraîchis mon cœur. En te voyant, j’oublie mes peines si cuisantes… Ce matin, on voulait chercher les notaires pour entendre mon consentement. J’ai dit « Non ! » et l’esclave m’a battue.

— Quelle esclave osa frapper Lella Oum Keltoum ?