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derrière les vieux murs en ruines

aussi lamentablement que les masures d’alentour. De longues crevasses, d’où s’échappent des herbes et des résédas sauvages, lézardent ses murailles ; les pluies ont raviné sa façade. La somptuosité du patio, pavé de marbres noirs et blancs, proteste contre l’incurie des habitantes. Une lèpre jaunâtre ronge les ciselures des stucs ; les colonnes s’effritent ; les mosaïques, arrachées aux murs, y ont laissé de petits trous poussiéreux ; les précieuses peintures et les ors des boiseries meurent sous les infiltrations de l’hiver. Dans les salles négligées traînent de vulgaires ustensiles ; les esclaves roulent le couscous et allument des canoun sur les tapis… Les sofas n’ont pas même la décence de leur misère ; de larges déchirures bâillent à travers leurs brocarts où les arabesques d’or n’ont laissé que des traces jaunâtres. Les taches de bougie maculent toutes les étoffes. Des mousselines, salies et trouées, protègent de flasques coussins, dont les esclaves ont dérobé la laine.

Lella Oum Keltoum, à qui toutes choses appartiennent, n’est encore qu’une faible petite fille. Par l’appui de Mouley Hassan et la complaisance du tuteur légal, Marzaka, la négresse, règne seule en cette demeure. Elle domine toutes les femmes et ne sait les diriger.

Après la mort de Sidi M’hammed Lifrani, son premier soin fut de vendre les esclaves, ses compagnes, dont la peau trop claire assombrissait la