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derrière les vieux murs en ruines

Sa brusque expansion s’arrête, son regard s’éteint… et j’aperçois sa mère, la grosse négresse mielleuse, qui s’approche, tout épanouie d’affabilité. Ses hanches trop lourdes la font osciller de droite et de gauche, tel un kemkoum[1] de hammam. Elle exhale un parfum de roses et d’huile rance.

Nous échangeons d’innombrables politesses et nos sourires les plus suaves.

— Puisses-tu, ajoute enfin Marzaka la négresse, raisonner un peu cette folle ! Je n’ignore pas ton entendement et les gens louent ta prudence.

— Il ne saurait y avoir meilleurs conseils que ceux d’une mère, répondis-je, afin de ne point éveiller sa méfiance. Les jeunes ont tout avantage à consulter leurs devanciers.

Je craignis, un instant, de m’attirer, par ces paroles, la rancune de Lella Oum Keltoum. Mais, habituée aux ruses, elle sut deviner la mienne, car elle insista pour que je vinsse, le lendemain, sur l’invitation que m’en faisait la négresse.

Bien que nos demeures soient mitoyennes, il me fallut faire un long détour afin d’arriver chez mes voisines. Leur porte se terre au fond d’une impasse, à laquelle on n’accède que par un dédale de ruelles sombres et ruinées.

Le palais de Sidi M’hammed Lifrani se dégrade

  1. Cruche ventrue en cuivre, dont le fond est arrondi et qui ne peut se tenir sans branler.