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derrière les vieux murs en ruines

— Puisse ton ventre se couvrir de lèpre !

— La cécité dans tes yeux, s’il plaît à Dieu !

Elle affirme son autorité sur les esclaves comme une enfant rageuse, leur jette ses babouches au visage, les humilie et les frappe haineusement.

Lella Oum Keltoum éprouve une joie mauvaise en me contant les tourments qu’elle leur inflige. Ses yeux de chatte, vifs et perçants, luisent de cruauté…

Chaque jour cependant approche le terme de son malheur. Qui saurait modifier les arrêts d’Allah ?

— Pourquoi, lui dis-je, refuses-tu d’épouser Mouley Hassan. Il est riche, noble et grand parmi les grands !… Combien de vergers, de terres et de belles demeures il possède ! Il te donnerait beaucoup de présents.

— Il est vieux, réplique-t-elle d’une voix irritée, il a trois femmes, et moi je veux mon cousin Mouley El Fadil…

— Quoi, ce jouvenceau qui étudie à la mosquée ?

— Oui ! sa barbe est encore toute petite… nous avons joué ensemble quand nous étions enfants. C’est lui que je préfère.

— Sais-tu seulement s’il te veut pour épouse ?

— Par Allah ! qui donc refuserait mes biens ? riposte la fillette en se rengorgeant. Mais Mouley Hassan est puissant et le fils de mon oncle a peur… Moi, je ne crains personne, ajoute-t-elle avec un rire acide.