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derrière les vieux murs en ruines

Parce que les tourments sont trop lourds à supporter dans l’isolement, parce que sa mère et les autres femmes du logis la trahiront pour quelques réaux, c’est à moi l’étrangère, la Nazaréenne, que Lella Oum Keltoum découvre sa détresse… Un soir, elle osa m’appeler, et, depuis lors, au moghreb, comme toutes les Marocaines et tous les oiseaux babillards, perchée sur le mur qui sépare nos terrasses, elle bavarde inlassablement.

Mais, à mesure que le crépuscule assombrit le monde, Lella Oum Keltoum sent épaissir les ténèbres de son cœur et noircir la fatalité.

Étrange enfant, mauvaise, irascible, sans beauté ni grâce, et cependant attachante en sa révolte désespérée. Elle lutte, elle se cabre, elle brave sa mère, son tuteur, les notaires et le Cadi, tous vendus au Chérif pour la livrer comme une proie. Elle crie sous les coups, a des ruses puériles, répond à la violence par de fausses promesses, mais jamais ses lèvres ne prononcent l’acceptation solennelle qu’imposa la prudence du père. L’entêtement de cette fillette l’emporte sur le superbe Mouley Hassan et déjoue ses profonds desseins.

Lella Oum Keltoum exècre sa mère, ses négresses et les parentes de son entourage. Elle les maudit, par derrière, d’effroyables malédictions.

— Puissent les punaises rouges te dévorer tout entière.

— Puisse ta langue enfler dans ta bouche et t’étouffer.