Page:Lens - Derrière les vieux murs en ruines, roman marocain, 1922.djvu/59

Cette page a été validée par deux contributeurs.
54
derrière les vieux murs en ruines

tache bien ronde aux bords atténués. Elle avive le pétale ardent de sa lèvre supérieure, tandis que l’autre lèvre, assombrie de souak, semble tomber d’un pavot noir.

À l’aide d’un bâtonnet enduit de kohol, qu’elle glisse entre les cils, elle agrandit ses splendides yeux de houri, ses yeux aux mille lueurs, ses yeux où l’on perçoit une âme ardente et merveilleuse… qui n’existe pas.

Il ne lui reste plus qu’à tracer avec une longue aiguille de bois, trempée dans la gomme de liak, un minutieux dessin, compliqué comme une broderie de Fès, qui s’épanouit au milieu du front.

Lorsqu’elle a décidé entre les sebenias de soie aux couleurs éclatantes, réajusté ses grands anneaux d’oreilles et sa ferronnière en diamants, Lella Meryem s’immobilise, un instant.

La grande occupation de sa journée s’achève, et maintenant, tant d’heures encore à remplir !…

Lella Meryem se désintéresse des esclaves et des travaux domestiques. Dada, la nourrice de Mouley Abdallah, s’y entend, grâce à Dieu, beaucoup mieux qu’elle. La couture et la broderie sont, pour sa vivacité, de trop calmes distractions. Les visiteuses viennent bien rarement, à son gré, lui apporter les nouvelles des autres harems.

Ô Prophète ! que les heures sont lentes !

Lella Meryem monte aux salles du premier étage, s’accroupit sur les divans, bâille, puis redescend. Elle envoie une esclave chez Lella Fatima