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derrière les vieux murs en ruines

— Qu’a-t-il pu se passer chez Si Ben Melih pour qu’il s’en émeuve ainsi ?

C’est que, le matin même, il avait été appelé par le Pacha afin de reprendre trois fugitives : sa sœur, sa fille et une favorite, ramassées ivres mortes durant la nuit !… Et la publicité de ce scandale dépassait la résignation du marchand.

Lella Lbatoul, la femme de Si Ahmed Jebli le fortuné, dirige sa maison avec intelligence et sévérité.

— Les esclaves doivent être surveillées de près, dit-elle, si l’on n’y prenait garde, elles mangeraient jusqu’aux pierres du logis.

Les heures, pour elle, ne passent point inemployées. Du sofa où elle se tient accroupie, elle commande toute une armée de négresses : les unes, auprès de la fontaine, s’activent à savonner du linge : les autres épluchent des légumes ou cuisent les aliments. Chacune a sa besogne qui varie de semaine en semaine. Il y a la « maîtresse de la vaisselle », la « maîtresse du chiffon », la « maîtresse du thé », la « maîtresse des vêtements ». Une vieille esclave de confiance, la « maîtresse des placards », assume la responsabilité des clés et des provisions.

On dirait une ruche bourdonnante, où les ouvrières s’absorbent en leur travail. Malgré son apparente oisiveté, la « maîtresse des choses »,