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derrière les vieux murs en ruines

— Qui le sait ! Nul n’échappe à son destin. Tu connais l’histoire de ce marchand trop prudent : pour éviter les voleurs, il coucha dans un fondouk. Or la terrasse était vieille et s’écroula sur lui… Sa mort était écrite cette nuit-là.

— Ne crains-tu pas, si Mouley Hassan parvient à épouser Lella Oum Keltoum, qu’il ne se venge de ses refus ?

— Allah !… Tu ne connais pas les hommes ! Il se réjouira d’elle parce qu’elle est jeune, et de ses biens, puisqu’elle est riche. Et sa résistance, qui l’irrite à présent, il la jugera tout à fait excellente, quand elle sera sa femme. Une vierge pudique et bien gardée ne saurait agir autrement à l’égard de l’homme qu’elle doit épouser, même si le mariage la réjouit secrètement. Certes Lella Oum Keltoum hait Mouley Hassan à la limite de la haine, car il fut cause de tous ses maux. Mais il a bien trop d’orgueil pour le croire…

Lella Meryem se tait, lasse d’avoir si longtemps parlé d’une même chose… et soudain, l’esprit occupé d’un sujet tout aussi passionnant, elle s’écrie :

— Ô ma sœur !… le brocart que Lella Maléka portait, dit-on, aux noces de sa nièce, le connais-tu ?… sais-tu où l’on en peut avoir ?… Pour moi, on l’a cherché en vain à toutes les boutiques de la Kissaria… Dans ma pensée, elle l’aura fait venir de Fès.