Page:Lens - Derrière les vieux murs en ruines, roman marocain, 1922.djvu/45

Cette page a été validée par deux contributeurs.
40
derrière les vieux murs en ruines

lèvres charnues. Elle a le visage rond, les joues fermes et brunes, un nez légèrement épaté, des yeux plus noirs que les raisins du Zerhoun. Lella Oum Keltoum n’est pas belle, mais elle possède d’immenses richesses.

Son père, Sidi M’hammed Lifrani, mourut il y a quelques années. C’était un cousin de Mouley Hassan. Il ne laissa qu’une fille, héritière de sa fortune, ma sauvage petite voisine.

Je la salue :

— Il n’y a pas de mal sur toi ?

— Il n’y a pas de mal, répond-elle sans un sourire.

Le silence nous sépare de nouveau, comme chaque soir, car je n’ai pas su encore apprivoiser la taciturne. Lella Oum Keltoum détourne la tête et son regard s’en va très loin, dans le vague du ciel… Les esclaves bavardent et rient, accoutumées sans doute à cette étrange mélancolie. Une grosse négresse, flamboyante de fard, promène ses airs repus en des vêtements trop somptueux. Ses formes, d’une plénitude abusive, roulent et tanguent à chacun de ses pas. Une aimable grimace épanouit, en mon honneur, sa face de brute, tandis qu’elle s’approche de la terrasse.

— Comment vas-tu ?

— Avec le bien… Quel est ton état ?

— Grâce à Dieu !

— Qui es-tu ?

— La « maîtresse des choses » en cette de-