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derrière les vieux murs en ruines

toutes les terrasses. Ils sont rouges, violets, jaunes ou verts, excessivement. Leurs larges manches flottent au rythme convenu d’un langage par signes. Ainsi les femmes communiquent, de très loin, avec d’autres qu’elles n’approcheront jamais.

À cette heure, elles dominent la ville, interdisant aux hommes l’accès des terrasses. Elles surgissent au-dessus des demeures, où elles attendirent impatiemment l’instant de détente et de presque liberté, dans l’étendue que balaye le vent… Mais il est des recluses, plus recluses que les autres, les très nobles, les très gardées, qui ne connaîtront jamais les vastes horizons, ni les chaînes du Zerhoun sinuant derrière la ville, ni les voisines bavardes et curieuses… Et les Cherifat sentent leur cœur plus pesant lorsque l’ombre envahit les demeures. Elles songent à celles qui s’ébattent là-haut : les esclaves, les fillettes, les femmes de petite naissance…

Combien leur sort est enviable ! Quelques-unes se livrent aux escalades les plus hardies pour rejoindre des amies. Elles se montrent une étoffe, échangent des sucreries et des nouvelles. Rien ne saurait égaler la saveur d’une histoire scandaleuse !

Mais elles restent indifférentes à la magie du soir.

Une adolescente, ma voisine de terrasse, se tient à l’écart des groupes, toujours pensive.

Un obsédant souci contracte sa bouche aux