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derrière les vieux murs en ruines

raude fleuri d’or et un troisième où des bouquets multicolores s’épanouissent dans les ténèbres du satin.

Aujourd’hui, j’ai trouvé Lella Meryem assombrie d’une préoccupation… Elle tenait à la main un morceau de tulle blanc couvert de légères guirlandes brodées.

— Vois, me dit-elle, ce madnous (persil) qui vient d’arriver à la kissaria. Vois combien joli sur mon caftan « cœur de rose » ! J’en voudrais avoir une tfina. Et cette chienne de Friha qui s’est fâchée parce que je n’ai pas voulu lui donner plus de trois réaux d’une sebenia qu’elle m’apportait !… Voici un demi-mois qu’elle ne revient plus ici !… Oh mon malheur ! Qui donc fera mes achats désormais, si cette Juive de péché se détourne de moi ! Puisse-t-elle être rôtie dans la fournaise ! On m’a dit que Lella et Kebira, Lella Maléka, Lella Zohor et tant d’autres ont déjà leur « persil », alors que moi je n’en n’ai pas !

Le joli visage de la Cherifa se contracte d’une enfantine petite moue… J’ai pitié de son extrême détresse, et propose d’aller faire l’achat de ce « persil » passionnément désiré.

La kissaria, le marché aux étoffes, n’est pas loin. Elle forme plusieurs rues couvertes, le long desquelles s’alignent des échoppes qui sont grandes comme des placards. Graves et blancs, enturbannés de mousseline, les marchands se tiennent accroupis dans leurs boutiques minus-