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derrière les vieux murs en ruines

mon mari. Les yeux pétillent dans sa face presque noire ; une petite barbe frisotte sur ses joues osseuses ; le nez s’étale avec satisfaction ; les lèvres, épaisses et violacées, grimacent d’un large rire en découvrant les dents très blanches. Un mélange de sauvagerie et d’intelligence anime son visage expressif ; ses djellaba négligées bâillent sur le caftan, et son turban semble toujours sortir de quelque bagarre. Mais Kaddour porte fièrement le burnous bleu des mokhaznis et son allure a quelque chose de noble.

Il marche d’un pas souple et bondissant, tel un sloughi. Monté, il évoque les guerriers du Sahara. Les piétons s’écartent en hâte devant les ruades et les écarts de son cheval qu’il éperonne sans cesse, pour l’orgueil de le dompter tandis qu’il se cabre.

Kaddour est pénétré de ses mérites : il sait tout, il comprend tout.

En vérité, débrouillard, vif et malin, il a trouvé moyen de nous procurer les plus invraisemblables objets, d’installer notre demeure aux escaliers étroits, de passer les meubles par les terrasses, et de nous carotter[1] sur les achats. Il se révèle serviteur précieux et pittoresque, d’un dévouement à toute épreuve. Kaddour paraît déjà nous aimer et s’apprête à nous exploiter discrètement, comme il convient vis-à-vis de

  1. Le verbe « carotter » est passé dans la langue arabe et conjugué selon les règles.