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derrière les vieux murs en ruines

Il a donné à ses croyants l’inestimable faveur d’une vie sans fièvres et sans heurts, sans l’agitation qui consume les peuples d’Occident, sans les raisonnements, et les recherches dont il torture leurs cerveaux, sans la tension exaspérée de leurs volontés vers des buts superflus.

Il a donné aux misérables tout l’or des soleils couchants à contempler chaque soir le long des remparts ; les repos à l’abri des treilles ; les récits des conteurs publics ; l’insouciante paresse de lézards. qui vivent d’une mouche entre deux torpeurs.

Il a donné à d’autres de petites échoppes pour somnoler parmi les babouches, les poteries, les écheveaux de soie ; les parties d’échecs au coin d’une place ; les ânillons trottinants que l’on chevauche sur les reins, tout au bout, presque à la naissance de la queue, tandis que les jambes trop longues effleurent la poussière.

Il a donné aux lettrés leurs blanches mousselines et leur air dévot, leur esprit subtil ; le charme des absurdes discussions théologiques ; les livres ornés de miniatures — trésors de poésie, de science et d’ingéniosité — les mosquées aux nattes fines où l’on accomplit soigneusement les rites prescrits pour les cinq prières.

Il a donné aux riches les belles demeures, les sofas, les innombrables coussins, les esclaves et les parfums ; les arsas verdoyantes où les branches fléchissent, accablées sous trop de fruits ; les divertissements de la musique et des festins ; les