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derrière les vieux murs en ruines

lignes qui se poursuivent, se rejoignent et s’enlacent avec une surprenante harmonie.

Esclaves ! accourez à l’appel du maître, sur vos pieds nus que ne sauraient meurtrir les tapis, les marbres, ni l’émail des carrelages.

Esclaves ! il y a des mouches importunes, agitez les mouchoirs de soie.

Ouvrez les portes si bien ciselées, qui semblent les gigantesques et précieux battants de tabernacles chrétiens, afin que l’air du soir rafraîchisse la salle et chasse les dernières fumées du santal dont s’embaumèrent les somnolences. Au delà des arcades, apparaît la cour pavée de faïences, que les reflets du ciel moirent d’une luisante eau bleue, et la vasque toute ruisselante où s’abreuvent des tourterelles.

Fraîcheur !… Délices !… Monotone et limpide chanson des jets d’eau !…

Esclaves ! apportez les plateaux d’argent chargés de tasses. Ils brillent entre vos mains noires comme le contraste d’une parure. Avancez en roulant vos hanches ! Que le samovar qui vous courbe fasse valoir vos lourdes splendeurs !

L’existence est chose facile et voluptueuse, ô négresses ! Sur vos destinées furent écrites la servitude et les besognes familières, mais aussi les plaisirs d’amour.

« Lequel des bienfaits de Dieu nierez-vous[1] ? »

  1. Coran.