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derrière les vieux murs en ruines

mon gumbri[1]. Si elles sèchent vite, elles auront de beaux sons… Je suis Driss le boucher.

Complaisamment il soupèse un paquet blême et mou d’intestins encore frais. Il en attache les bouts à une branche et les dévide en s’éloignant, pour atteindre un micocoulier aux ramures basses.

Plus loin, un groupe de burnous, dont je n’aperçois que les capuchons émergeant des herbes, se penche au-dessus du sol en religieuses attitudes. Mais ce n’est point une tombe qu’ils entourent. Ils jouent aux échecs… et ils poussent les pions avec de subites inspirations, après avoir longuement médité chaque coup.

Quelques bourricots, chargés de bois, trottinent à la file dans le sentier, entre les plantes sauvages et hautes, qu’ils écartent sur leur passage, en frissonnant de la peau et des oreilles. L’ânier invective contre eux sans relâche.

— Allons ! Pécheurs ! Calamités ! Fils d’adultère ! Allons ! Pourceaux d’entre les pourceaux !

Parfois il arrête ses injures pour baiser la porte d’un marabout, marmotte quelque oraison, puis il rejoint ses ânons en courant et vociférant de plus belle.

Des femmes voilées psalmodient autour d’un tombeau, et leurs chants me rappellent que ce lieu n’est point une arsa, malgré les arbres, le sol

  1. Instrument de musique à deux cordes.