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derrière les vieux murs en ruines

taches d’or, mobiles et brûlantes. La voix de Fathma se mêle à toutes les voix amoureuses de la terre, des herbes et des branches ; je n’en distingue plus que l’harmonie…

Quand je m’éveille, le soleil décline vers l’occident, de longues ombres s’étendent sous les arbres. Fathma s’est tue, elle mange… Autour du couscous un cercle s’est reformé : Hadj Messaoud, Yasmine, Kenza, le petit Ahmed et les âniers. Quelques heures de digestion calmèrent la résistance de leurs estomacs. Certes ils auraient honte de revenir avec un seul grain de semoule ! Cependant Rabha déclare que « son ventre est plein. Louange à Dieu ! » et Saïda, la négresse, n’a pas reparu.

Kaddour n’est pas là non plus.

J’avais entendu les notes de son gumbri jusqu’au moment où le sommeil m’enveloppa… Kaddour ne s’attarde jamais en nonchalance, il lui faut du mouvement, de la vie… Rien d’étonnant à ce qu’il vagabonde à travers le verger… Pourtant cette double absence m’inquiète, et j’arrête Kenza qui veut aller à leur recherche. Il y a tant d’allégresse, tant de senteurs dans ce jardin, une telle provocation de la nature capiteuse !…

Saïda reparaît la première, l’air calme, les mains pleines de gros champignons blancs trouvés au bord de l’oued. Elle gronde le négrillon qui a taché son burnous, puis elle s’accroupit et se jette sur le couscous.