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derrière les vieux murs en ruines

tiède, les feuillages, les impondérables remous de l’azur. Le parfum des orangers s’impose, plus oppressant, plus voluptueux.

Le printemps d’Afrique est une ivresse formidable. Il ne ressemble en rien à nos printemps délicats, gris et bleutés, dont l’haleine fraîche, les sourires mouillés font éclore des pervenches dans les mousses. Ici la nature expansive, affolée, se dilate. Les bourgeons éclatent subitement, gonflés de sève, pressés d’étaler leurs feuilles ; un bourdonnement sourd et brûlant monte des herbes ; les juments hennissent au passage des étalons ; les oiseaux s’accouplent avec fureur.

Le ciel, les arbres, les fleurs, ont des couleurs excessives, un éclat brutal qui déconcerte. La terre disparaît sous les orties, les ombelles plus hautes qu’un homme, les ronces traînantes et ces orchidées qui jaillissent du sol comme de monstrueuses fleurs du mal.

J’aperçois le ciel si bleu, à travers le papillotement d’un olivier, dont les petites feuilles se détachent en ombres grêles et en reflets d’argent. Le canari, exténué de roulades, ne pousse plus que de faibles cris. Saïda, la négresse, vautrée dans l’herbe, s’étire, telle une bête lascive ; ses bras musclés brillent en reflets violets, ses yeux luisent, à la fois languides et durs ; elle mâchonne de petites branches.

Saïda ne m’apparaît pas simiesque ainsi qu’à l’habitude. Elle est belle, d’une beauté sauvage,