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derrière les vieux murs en ruines

et de retours imprévus, Kaddour ferme enfin nos portes avec les énormes clés qui grincent.

La caravane s’ébranle.

Certes ! elle est digne d’un hakem qui va fêter le soleil dans une arsa, et les gens ne manqueront point d’en approuver le déploiement fastueux.

Kaddour prend la tête, fier, important comme un chef d’armée, une cage en chaque main. Dans l’une gazouille un chardonneret, dans l’autre, un canari.

Ensuite viennent les ânes chargés de couffas d’où sortent les plus hétéroclites choses : le manche d’un gumbri, un coussin de cuir, un bout de tapis, une théière… Ahmed le négrillon, à califourchon sur un bât, ressemble, avec son burnous émeraude, à une grenouille écartelée. Rabha chevauche, très digne, le second bourricot.

Puis s’avancent les femmes, la troupe craintive, pudique, trébuchante des femmes qui s’empêtrent dans les plis de leurs voiles : Kenza, Yasmine, déjà lasses ; Saïda et son haik rayé de larges bandes écarlates ; Fathma la cheikka que nous n’eûmes garde d’oublier, car une partie de campagne s’agrémente toujours de musique et de chants.

Les hommes ferment la marche : Hadj Messaoud, tenant précieusement un pot plein de sauce qu’il n’a voulu confier à personne, et les trois porteurs nègres sur la tête desquels s’érigent, en équilibre, les plats gigantesques coiffés de cônes en paille.