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derrière les vieux murs en ruines

N’est-ce point d’elle que le poète a dit :

Une pleine lune marche avec fierté
En se balançant comme un roseau.

— Cette maudite ! s’exclame Lella Meryem après son départ. Elle me regarde avec insolence, on dirait qu’elle est cherifa et non esclave, fille d’esclaves… Que ferai-je maintenant, je suis exilée de ma propre demeure… Je ne veux plus quitter ma chambre ; dès que je sors dans la cour, elle me nargue… Au lieu de la mettre avec les négresses (la plus noire vaut mieux qu’elle dix fois et plus !), Mouley Abdallah lui a donné la petite mesria[1] !

— Ta chambre est beaucoup plus belle.

— Assurément… Mais, si Mouley Abdallah monte à la mesria ?… Ô cette calamité !

— Par le Prophète ! Lella Meryem, ne crois pas que ton époux te préfère cette esclave.

— Tu penses ainsi. Tu ne connais pas les Musulmans. Les femmes sont comme les grains du chapelet entre les mains d’un Derkaoui… Ils passent de l’une à l’autre… J’ai supplié Mouley Abdallah de renvoyer cette affligeante, de la revendre tout de suite. Il n’a pas voulu… Il dit qu’il craint de déplaire à son père. C’est elle, la rusée, la fille de diable, qui l’enchaîne… Elle saura se faire frapper la dot[2]. Ô jour de

  1. Pièce du logis ayant une issue indépendante.
  2. Se faire épouser avec reconnaissance dotale.