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derrière les vieux murs en ruines

À cette heure il n’y a peut-être personne, et Saïd, seul à la cuisine, c’est le prélude assuré d’une indigestion.

Je veux l’y chercher, Yasmine m’arrête un moment au passage, et, quand j’arrive, Saïd est déjà grimpé sur le fourneau, parmi les casseroles. Il examine leur contenu, tellement affairé qu’il ne m’entend pas. Du reste, j’ai marché sans bruit afin de le surprendre dans son vol. Mais, à mon étonnement, au lieu de pêcher un morceau, Saïd tire de sa petite sacoche un papier et, dans la marmite élue, jette une sorte de poudre.

— Que fais-tu là ? dis-je brusquement.

— Ô ma mère !… Avec ce temps froid, je me chauffais.

— Et cette poudre que tu as versée ? Qu’est-ce que cette poudre ?

Cette fois Saïd ne saurait nier, la moitié du paquet est encore dans sa main. Il se met à trembler, tandis qu’une crainte passe en mon esprit…

— Ô ma mère ! pardonne-moi. Je ne sais pas ce qu’est cette poudre… Mes sœurs me l’ont donnée ce matin. Elles m’ont promis des oranges si je la mettais, sans être vu, dans votre nourriture, là où il y aurait de la tomate… Ô ma mère, je ne croyais pas mal faire, pardonne-moi !

Pour la première fois, Saïd a dit la vérité, car elle lui paraît moins effrayante que le mensonge. Une angoisse me trouble tandis que les paroles