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derrière les vieux murs en ruines

sensuels, étonnés ou provocants. Ils sont toute la lumière et toutes les ténèbres, étincelants comme des joyaux, et plus mystérieux que l’onde au fond des puits. Ils éclipsent les autres grâces dont Allah combla Lella Meryem.

Car sa bouche est une fleur d’églantier prête à s’ouvrir ; ses dents, les boutons de l’oranger ; sa peau, un pétale délicat ; son petit nez frémissant, un faucon posé au milieu d’un parterre.

En vérité, Mouley Abdallah ne trouverait nulle part une femme aussi séduisante, et ses promesses me semblent à présent moins extraordinaires.

Lella Meryem prépare le thé, tout en continuant à bavarder. Ses gestes sont harmonieux, d’un charme rare ; les petites mains rougies au henné manient gracieusement les ustensiles d’argent et chacun de ses mouvements révèle la souplesse de son corps, malgré l’ampleur des vêtements. Elle porte un caftan rose et une tfina[1] de gaze citron pâle, qu’une ceinture brodée d’or plisse à la taille en reflets chatoyants. La sebenia[2] violette, bien tendue sur les demmouges[3], encadre son visage comme une ancienne coiffure égyptienne. Un seul bijou brille au milieu de son front, plaque d’or rehaussée de rubis et de diamants, en dessous de laquelle se balance un minuscule croissant, dont

  1. Robe de dessus transparente.
  2. Foulard de tête.
  3. Sorte de gros bourrelets encadrant la tête sur lesquels est appliqué le foulard de soie.