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derrière les vieux murs en ruines

L’une était fort vieille, d’un âge indicible, avec un profil crochu, de petits yeux ternes perdus au fond des orbites, une bouche édentée aux lèvres minces, une flasque peau ridée pendillant sous le menton comme une barbiche de chèvre, et des poignets sillonnés de veines, ainsi que ces troncs d’arbres morts où s’incrustent les racines des lierres.

L’autre, toute jeune, jolie, potelée, rose et blanche. De larges yeux inexpressifs éclairaient son doux visage innocent.

Pourtant il y avait une ressemblance entre ces deux femmes et l’on devinait qu’un jour, plus tard, il sortirait une affreuse vieille pointue, de tant de grâce et de fraîcheur…

Elles se tenaient discrètement près de la porte, humbles, déférentes, avec des sourires craintifs. Et elles se prosternèrent, sur le seuil, en quittant leurs nobles clientes.

Le maître étant absent, des ordres furent donnés pour que s’éloignassent les serviteurs mâles, et nous allâmes dans l’arsa soigneusement close. Les Chérifat, nonchalantes, firent quelques pas dans les allées et, tout de suite lasses, s’affalèrent sur des sofas que les esclaves disposaient le long d’un mur. Je passai plusieurs heures avec elles.

Je partis vers le moghreb, et m’étonnai, au sortir du fantastique chemin entre les ruines, de retrouver les deux Juives blotties l’une contre