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derrière les vieux murs en ruines

oppressent l’étroite cour, elles semblent étrangler le ciel, dont un carré se dessine au-dessus des arcades. Une terne lueur glisse le long des parois humides, les salles s’emplissent d’ombre et les reflets de leurs brocarts y meurent, exténués.

Il fait gris et froid chez Mouley Abdallah ; mon cœur est serré d’angoisse par la mélancolie des choses, tandis que j’attends Lella Meryem.

Elle arrive, éblouissante de jeunesse, de parure et de beauté. On dirait que l’air s’échauffe tout à coup, que la lumière vibre, plus ardente, qu’une nuée d’oiseaux s’est abattue auprès de moi.

Elle gazouille, elle rit, elle s’agite. Elle me pose mille questions et ne me laisse pas le temps d’y répondre. Elle proteste de son affection, me prodigue les flatteries et les compliments, remercie le Seigneur de m’avoir envoyée vers elle… Je n’ai pu encore placer une parole… C’est une folle petite mésange qui s’enivre de son babillage. Et je m’étonne qu’un tel entrain, qu’une exubérance aussi joyeuse puissent s’ébattre en pareille cage !… Même en de plus riants décors, je ne connus jamais que des Musulmanes nonchalantes et graves, inconsciemment accablées par leur destin.

Mais Lella Meryem ne ressemble à aucune autre.

On ne perçoit d’abord que l’ensorcellement de ses yeux, noirs, immenses, allongés de kohol ; des yeux au regard affolant sous l’arc sombre des sourcils. Ils pétillent et s’éteignent, ils s’alanguissent et se raniment, tour à tour candides,