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derrière les vieux murs en ruines

mière expérience douloureuse ; depuis longtemps il sait accepter silencieusement tous les maux, car les cris ne servent à rien et importunent les gens. En sorte qu’aujourd’hui c’est lui le privilégié. Il souffre moins que les autres.

Le grand Sadik oublie toute espèce de dignité et secoue sa tête en sanglotant :

— Oh ! Oh ! Oh ! le barbier ! il m’a coupé !… Oh ! Oh ! le barbier !…

Et les autres, adoptant ce thème lamentable, hurlent en chœur :

— Oh ! le barbier !… Oh ! le barbier !…

Leurs cris montent, se dépassent, s’apaisent exténués, puis repartent avec une nouvelle frénésie. Les musiciennes redoublent leurs efforts ; les invitées bavardent et changent de toilette, les esclaves s’affairent à préparer le festin, dont treize plats déjà sont alignés dans la cour.

Et, au fond de la salle, Drissia l’accouchée agite ses bras en prononçant des paroles incohérentes, tandis que le bébé vagit comme un jeune cabri.


5 janvier.

Lorsque j’entrai dans le harem de Mouley El Kébir, deux Juives proposaient aux Chérifat des étoffes et des passementeries.