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derrière les vieux murs en ruines

les lèvres tordues. Ils hurlent ! mais on ne les entend pas, car les musiciennes hurlent plus fort qu’eux en maltraitant leurs tambourins et les yous-yous des invitées s’excitent à couvrir les voix douloureuses.

Les mamans maîtrisent avec peine leur émotion. Celle qui mordait si négligemment ses rênes pleure à présent de toutes ses larmes. On dépose les cinq petits sur un matelas et les négresses s’en vont, le dos de leurs vêtements tout ensanglanté… Ils crient, les pauvres circoncis ! Ils crient ! Ils lassent les chants et les yous-yous. Bientôt on distingue leurs gémissements. Chaque mère console son fils, l’embrasse, lui promet « que c’est fini, qu’on ne recommencera jamais ».

Le négrillon reste tout seul, mais lui, il ne pleure pas du tout. Peut-être comprend-il que ce serait inutile, qu’il n’y a personne pour le cajoler, ni l’apaiser… À quatre ou cinq ans, déjà, il doit avoir sa philosophie de l’existence… Un peu de sueur mouille ses tempes, une larme sèche au coin de ses yeux, il a l’air encore plus ébahi que tout à l’heure. Sa petite patte noire, crispée sur l’étoffe, l’écarte de la cuisante blessure. Il attend patiemment que se calme la souffrance et il regarde, sans mépris, ses compagnons, tous plus âgés que lui, qui savent si mal supporter leurs tourments. Ce sont les petits maîtres, les enfants riches et libres, ils ont des parents pour les gâter… Lui, Messaoud le négrillon, n’en est pas à sa pre-