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derrière les vieux murs en ruines

sans distraction, en un petit miroir que l’on a placé dans leur autre main.

Ces gestes compliqués ont pour but, prétendent les lettrés, de fixer leur attention de telle sorte qu’elles n’éprouvent pas un trop vif émoi durant la circoncision. Mais elles, les femmes, gardiennes des traditions, savent bien qu’elles accomplissent des rites très graves qui assureront le bonheur et la santé de leurs fils.

La mère du petit éploré y met une conscience admirable ; rigide, immobile, les sourcils contractés par l’effort, elle cligne à peine des yeux, absorbée en sa propre image. Les autres s’exécutent plus mollement et la neggafa les en réprimande :

— Ô honte ! dit-elle à l’une des étourdies, tu n’as pas mis de rouge sur tes joues et tu effleures à peine les rênes de tes lèvres pendant que l’on circoncit ton enfant ! Prends garde qu’Allah ne fasse retomber sur lui son mécontentement.

De l’autre patio, où sont réunis les hommes, on entend les sons aigres et sourds des instruments. Un petit esclave arrive en courant, il porte sur sa tête un plateau où l’on a déposé les caftans, les tuniques et les burnous vert acide. Aussitôt après reviennent les négresses chargées de leurs fardeaux. Ils ne sont plus enveloppés que d’un drap blanc, comme un suaire, et leurs têtes ballottent à droite et à gauche, affreusement contractées par la souffrance.

Ils crient ! Ils crient ! la bouche grande ouverte,