Page:Lens - Derrière les vieux murs en ruines, roman marocain, 1922.djvu/276

Cette page a été validée par deux contributeurs.
271
derrière les vieux murs en ruines

très assurée que Sellal Qlouba soit à Meknès. Cependant, par précaution, je n’ai point envoyé mon fils à la mosquée tous ces jours-ci…

Tandis que nous causions, un ordre est arrivé du vestibule, et l’excitation s’exagère. De robustes négresses se placent devant les jeunes garçons qu’elles chargent à califourchon sur leur dos. Le petit éploré jette des cris aigus et tend désespérément les mains vers sa mère :

— Je ne veux pas ! Oh ! je ne veux pas !… Laissez-moi…

On l’emporte de force avec les autres, dont le calme commence à se démentir.

Aussitôt les mamans sont conduites vers l’estrade et installées à leur tour parmi les coussins. Elles sont quatre, puisque, bien entendu, le négrillon n’a pas la sienne ici, mais seulement une mère très lointaine, en Mauritanie ou au Tchad, dans un des pays sauvages où l’on va voler des enfants afin de les vendre ensuite aux habitants civilisés des villes marocaines.

Personne donc n’occupe la place de Messaoud, personne, en songeant à lui, ne sent battre son cœur à trop grands coups. Les mamans semblent un peu émues. Heureusement elles ont à remplir des rites très absorbants : bien étaler les plis de leurs robes ; tenir leur pied droit dans un bassin de cuivre rempli d’eau, en y foulant le mors d’un cheval, dont les rênes, relevées d’une main, sont mordues entre les incisives ; et enfin se regarder,