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derrière les vieux murs en ruines

s’emplit de la cadence ardente sur laquelle cinquante petites voix récitent le Coran. Dès la ruelle, j’en perçois les modulations, les coups de baguette scandant la mesure, et il me revient à l’esprit l’histoire de cette sultane qui faisait élever cent jeunes vierges à l’exercice perpétuel du Coran, « si bien que leur bourdonnement surpassait en douceur celui des abeilles, et que leurs paroles étaient plus savoureuses que le miel ».

Le lettré introduit, dans une serrure ingénieuse et primitive, sa clé en bois hérissée de clous.

Nous montons un lamentable escalier, étroit et raide, dont les générations ont fait sauter les mosaïques et usé les poutrelles.

Tranquillement accroupi près du seuil, au milieu de cinquante petites paires de babouches, Saïd se plaît à les mélanger, avec un air de malicieuse satisfaction. Mais, dès qu’il m’entend, le petit scélérat se met à pleurer et à pousser mille cris effrayants. À lui seul il couvre la voix de tous ses compagnons qui égrènent les pieux versets.

— Sellai Qlouba ! Sellai Qlouba ! vocifère-t-il.

— Que dis-tu, Saïd ?

— Sellai Qlouba est dans la rue ! J’ai peur de Sellai Qlouba ! Ô ma mère ! protège-moi ! Ô ma mère ! Je suis réfugié en toi ! sanglote le petit en se prosternant à mes pieds pour embrasser ma robe.

Le lettré m’explique, d’une humble voix effrayée, qu’un bruit s’est répandu depuis quel-