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derrière les vieux murs en ruines

Quelles sont les nouvelles du lettré ? lui demandai-je. La fête fut-elle réussie ?

— Grâce à Dieu ! le Généreux ! le Bienveillant ! Nous nous sommes rassasiés de couscous et de poulets.

Le lettré est un homme pauvre, et les quelques sous versés toutes les semaines par ses élèves lui permettent à peine de subsister. Ce n’est qu’aux fêtes, où chaque enfant apporte sa part du festin, que le maître peut calmer la faim qui le tenaille sans répit.

Cependant le lettré se félicite d’un métier qui l’honore. Sa connaissance impeccable du Livre lui procure des joies innocentes. Il aime à dérouler l’interminable ruban des versets, selon les sept modes différents. Même, il est capable, nous révéla-t-il un jour avec fierté, d’en réciter plusieurs chapitres à l’envers, en commençant par le dernier mot.

— Comment est ton état, ô lettré ? Es-tu content de Saïd ?

— Allah ! Ô mon Maître ! soupire le pauvre homme. Il m’a tué !… De ma vie je n’ai connu un enfant pareil… Pardonne-moi, c’est pour cela que je suis venu.

— Tu as honoré notre maison !… Qu’a donc fait Saïd, ce fils de péché ?

— Par malice, il abîma sa planchette. Je lui ordonnai de descendre dans la cour afin de la blanchir, et, comme il s’obstinait à ne pas bouger…