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derrière les vieux murs en ruines

petit serpent. Ils restent là, fixés l’un à l’autre avec de pareils airs d’extase…

Ô Mouley Abdelkader !
Ô Sidi Ben Aïssa !
Protecteurs des gens en péril,
Ô ceux par qui l’on ne craint pas !

Les dernières lueurs du moghreb s’éteignent, les serpents verts ne forment plus qu’un tas noir aux pieds du charmeur, tous les roses du ciel et de la terre sont absorbés par la nuit.

Lorsque l’homme retira sa langue de la gueule du petit serpent, deux gouttes sombres tombèrent dans la poussière, sans qu’on en distinguât la rougeur sanglante.


24 décembre.

Discret, timide et si décent, le maître de Saïd m’aborde. Il parle bas, d’une voix enrouée, monotone, comme s’il dévidait quelque verset du Coran. L’enseignement sacré, qu’il distribue depuis trente ans à des générations de petits Marocains, n’a pas été sans l’affaisser un peu. Il n’entre jamais dans notre demeure qu’avec une secrète appréhension, car la vue du hakem paralyse sa langue, experte aux récitations pieuses. Il ne se plaît qu’au milieu des enfants dont il a gardé l’âme simple.