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derrière les vieux murs en ruines

qui se débande. Mais le jongleur les a vite rattrapés, et il les fixe par les bouts de leurs queues, serrés entre ses orteils. Ainsi maintenus, les serpents s’écartent sur le sol, en éventail aux branches inégales. Seul, le plus grand, que l’homme a jeté sur ses épaules, entoure son cou et pend, sans entraves, jusqu’au bas de sa tunique.

Parmi les petits serpents déployés à terre, le disciple des saints choisit le plus vif, le plus frétillant. Il le pince au milieu du corps, entre le pouce et l’index, et l’élève à la hauteur de son visage.

Le petit serpent nerveux s’est crispé, sa queue se tortille, d’un raide mouvement, sa tête fine se tend, gueule béante, vers le charmeur.

Va, marche au milieu des serpents !
Va ! Chasse dans la forêt, Ô toi qui crains !
Dans la forêt entre les oueds,
Sur la colline de Mzara
Où le fusil est braqué.
Si Ben Aïssa te protège,
Pour te trancher un seul poil
Mille coups ne suffiraient.

Hypnotisées mutuellement, les têtes se sont rapprochées, celle de l’homme et celle du reptile, les bouches se sont ouvertes, et, tandis que les yeux se fascinent, étincelants, la langue tendue de l’Aïssaoui disparaît dans la gueule du