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derrière les vieux murs en ruines

et les arbres au sombre feuillage sont fleuris tout à coup, comme des magnolias, d’innombrables fleurs d’un rose laiteux.

Le cimetière de Sidi Ben Aissa dort à l’ombre des oliviers, très solitaire et paisible à cette heure. Mais, de l’autre-côté de ses murs, s’adossent accroupis, en petits tas de haillons dorés, des Arabes et des Chleuhs qui projettent leurs belles ombres vertes sur ces murs très roses, et, recueillis, écoutent les discours d’un charmeur de serpents.

Agile et svelte en sa courte tunique, l’homme évolue au milieu de son auditoire, ses yeux hallucinants fixent tour à tour chacun des spectateurs. Au sommet de son crâne rasé, s’épanouit la mèche des Aïssaouas que le soleil fait flamber comme du cuivre rouge. Un petit orchestre, accroupi dans la poussière, accompagne ses gestes et scande ses discours. Ce jongleur, parfois, a l’air d’un saint en extase, et les gens ne démêlent pas très bien s’ils assistent à des tours habiles et récréants, ou participent aux miracles que renouvelle, chaque jour, sur cette place, le charmeur de serpents. Car l’homme ne brave les reptiles et ne s’en joue que par la protection des saints dont il proclame la baraka.

Mouley Abdelkader ! Ô Mouley Abdelkader !
Allah lui a conféré ta grâce !
Quand un disciple rappelle, le maître accourt vers lui,
Il agite ses manches et vole comme l’oiseau.