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derrière les vieux murs en ruines

âmes vers lesquelles je me suis inclinée ! si loin ! plus loin encore des Marocaines que ne chercheront jamais à comprendre la mienne…

Cependant je sens mieux que, toutes, nous sommes des sœurs.

Il faut intimement connaître les Musulmanes pour ne plus voir en elles des créatures à part, mais de simples femmes animées des sentiments les plus naturels : des coquettes, des jalouses, des frivoles, des mères aussi, d’excellentes maîtresses de maison… Elles s’intéressent aux toilettes, aux histoires d’esclaves et d’amour. Cela me semble identique aux questions de chiffons, de domestiques et d’intrigues qui passionnent tant d’Européennes. Même l’ennui, l’inconscient ennui qui forme la trame de leurs existences monotones et recluses, n’est guère plus accablant que celui dont languissent nos petites bourgeoises, condamnées à vivre dans un fastidieux cercle restreint, hors duquel, si souvent, elles ne soupçonnent rien…

Je voudrais dire tout cela et tant d’autres choses à cette femme de lettres qui cherche à découvrir les Musulmanes. Mais je me tais, puisque aujourd’hui j’en suis une… Car jamais aucune d’entre elles n’analysa ses sentiments. Et c’est là surtout ce qui les différencie tellement de nos âmes occidentales, et forme tout le secret de leur paisible bonheur.