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derrière les vieux murs en ruines

Elle s’enquiert de mille détails saugrenus. Elle n’est pas bête cependant ; je la croirais même intelligente, mais si incompréhensive de tout ce qui n’est pas sa civilisation, ses habitudes, sa culture ! Elle est venue avec une idée toute faite sur les odalisques lascives, alanguies, fumant le narghileh, à moitié nues dans l’enroulement des gazes lamées d’or ou d’argent. Et aussi les désenchantées qui aspirent à la liberté et se meurent de ne pouvoir sortir ni fréquenter les hommes.

Elle rencontre ici des Musulmanes très graves, hiératiques, vêtues de lourdes soieries qui ne laissent même pas deviner la silhouette de leur corps, des femmes aux rigides allures de statues… Cela dérange sa conception, elle y tient et veut la retrouver. Toutes ses questions tendent vers ce but :

— Sais-tu danser ? me demande-t-elle. Y aura-t-il des danses aujourd’hui ?

— Chez nous les femmes ne dansent pas, seulement les fillettes ou les négresses.

— La danse du ventre ? la danse des poignards ?

— Non, elles ne connaissent pas ces danses à vous, mais les nôtres… Celle-ci, dis-je en désignant Kenza qui, justement, esquisse quelques mouvements harmonieux et lents, avec l’air inspiré, presque religieux d’une prêtresse.

— Et c’est tout ! interrogent les jolies dames fort déçues.

Je sais bien ce qu’elles attendaient : la figuration de l’amour, le drame de la volupté… Mais