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derrière les vieux murs en ruines

battre des mains au rythme de la musique, tout en chantant comme les autres :

— La paix, ô Lella !
La paix en notre demeure !

Elles ne me devinent pas. Elles ne peuvent pas me deviner sous le fard, le kohol et les parures… Cependant c’est vers moi que leurs regards convergent avec insistance… peut-être parce que je suis la plus éblouissante.

Lella Fatima-Zohra ne manque pas, chaque fois que je vais à des noces, de me prêter quelques-uns de ses extraordinaires joyaux. Des rangs d’émeraudes et de perles s’enroulent autour de mon turban, et les colliers de la sultane Aïcha Mbarka étincellent sur mon caftan noir broché d’or. Mais ce n’est pas seulement cette magnificence qui intrigue les jolies dames : mes yeux trop pâles, mes yeux bleus, ont une étrange douceur au milieu des sombres prunelles ardentes de mes amies…

Les chants ont cessé, nous reprenons nos attitudes d’idoles, échangeant à peine de rares paroles. Les Européennes quittent leurs chaises et viennent s’accroupir gauchement auprès de nous. Elles voudraient être aimables et répètent le seul mot qu’elles sachent :

— Mesiane ! Mesiane ! (joli).

Ainsi la conversation ne peut aller fort loin. Je doute que la femme de lettres pénètre beaucoup