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derrière les vieux murs en ruines

marchand de bonbons. Voici des heures que je le cherche !… La foule était si compacte qu’une sauterelle, tombant sur la place, n’aurait pu se poser à terre…

Saïd n’est pas beaucoup plus gros qu’une sauterelle, mais le vert de son selham l’emporte, quant à l’éclat, sur celui de ces bestioles.

— Dans ma pensée, reprend Kaddour, il s’en est justement débarrassé afin que je ne puisse plus le reconnaître. Un homme me l’a remis tout piétiné. Un selham de satin !…

— As-tu été chez le Pacha ?…

— J’ai vu le Pacha, j’ai vu le Mohtasseb, j’ai vu le chef du quartier !… Il n’y a pas de lieu au monde où je ne sois allé. Maintenant j’ai lâché les crieurs publics, ils parcourent la ville. Écoute…

La voix sonore, au rythme connu, s’enfle et décroît, tout au long de la rue, derrière nos murs, mais elle ne proclame point la perte ordinaire d’une sacoche ou d’un âne :

Ô les gens de religion !
Ô les braves gens !
Un enfant a disparu !
Un garçon de trois ans.
Possesseur d’un petit caftan rose,
Celui qui peut donner de ses nouvelles
Fera le bien et recevra sa récompense.

Le crieur chante en courant, la voix s’éloigne :

Celui qui peut donner de ses nouvellesÔ les gens de religion !
Ô les braves gens…