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derrière les vieux murs en ruines

boîte, prison roulante qui bute, cahote et grince, où les enfants s’entassent jusqu’à l’étouffement. Un homme traîne, deux autres poussent et s’efforcent d’activer les roues qui ne marchent pas…

Pendant ce temps, Saïd savoure les joies d’un autre sport. Sur ce poteau, fiché dans le sol, des barres en croix tournent horizontalement. Au bout de chaque poutre, deux cordes soutiennent un siège fait de quatre planches peintes et parfois décorées de colonnettes. Si les enfants placés vis-à-vis sont d’un poids égal, et si les gamins chargés de tirer sur les cordes accomplissent leur tâche, le système s’ébranle. Entraînés par la force centrifuge, les sièges s’éloignent du poteau central, dans une envolée qui force l’entourage à s’écarter. Saïd ne veut plus quitter la passionnante machine, ses menottes s’agrippent aux cordes, son selham vert balaye l’assistance. Il est heureux !

Nous accédons à ses supplications et le confions à Kaddour qui s’amuse autant que lui. Les petites filles, déjà lasses, inhabituées aux sorties, ne demandent qu’à rentrer. Mais tout le reste du jour, elles ressassent, avec excitation, les plaisirs de la fête.

Vers le mohgreb, Kaddour est revenu, seul et la mine soucieuse. Il porte sur son bras le selham de satin vert.

— Où est Saïd ?

— C’est un vaurien, fils de vaurien !… Il s’est sauvé de moi, tandis que nous étions devant un