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derrière les vieux murs en ruines

sation. Les voiles ne laissent apercevoir de leurs visages que les yeux peints, allongés jusqu’aux tempes, mais les djellabas, impudemment ouvertes, révèlent de clinquants colliers et l’éclat des étoffes, tandis que les jambes s’agitent, avec ostentation, chaque fois que le siège bascule.

— Par Allah ! s’écria Rabha. Regarde, ô ma mère, c’est Mouley El Fadil qui rit avec ces femmes ! Un chérif d’entre les chorfas !…

Je partage l’indignation de la petite. Il faut, en vérité, que Mouley El Fadil ait perdu la raison pour s’exposer avec des courtisanes, aux populaires réjouissances d’Achoura !…

Installé dans le quatrième siège de la roue, il semble s’amuser à l’extrême limite de l’amusement, bascule, pieds par-dessus tête, virevolte, lance aux belles de plaisantes apostrophes.

Dès ce soir, Lella Oum Keltoum sera certainement informée de ce scandale, et les colporteuses de nouvelles insisteront, avec perfidie, sur les ébats du « fils de son oncle ».

— Il est fou de cette Drissia, tu vois, la plus salée, celle au caftan « cardon »… Les hommes ne valent rien, formule Rabha en faisant une moue attristée.

Que ne m’eût-elle appris, la petite fille, si la « carroussa » n’était, à ce moment, passée près de nous. Rabha fut saisie d’un intense désir d’y prendre place. Haïk et mines de femme sont vite rejetés. Pour un sou, la voici logée dans la