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derrière les vieux murs en ruines

l’écrin. Elle fuse des grandes coupes de marbre, en jets minces et brillants ; ruisselle des vasques très basses posées à même le sol ; s’étale paresseusement dans les bassins, azurée, changeante, selon les caprices du ciel.

Des esclaves viennent aux fontaines remplir leurs amphores et les aiguières de cuivre destinées aux ablutions. Une extraordinaire population féminine s’agite dans le palais, cuit les aliments sur des canoun[1], lave le sol à grande eau, boit du thé, file de la laine. De belles négresses, aux croupes arrondies, se vautrent parmi les coussins. Leur indolence, le luxe de leurs parures multicolores, et certain air de bestiale satisfaction épanouissant leurs faces, dénoncent les favorites du moment.

Mais il y a aussi de minces fillettes à peine nubiles, dont le Chérif ne dédaigne pas le charme aigrelet, et des matrones effrontément fardées qui savent, parfois encore, l’ensorceler de leurs attraits vieillissants.

— Du reste, me confie Aïcheta, il a connu, ne fût-ce qu’une fois, chaque femme de sa maison. Quand il achète une nouvelle esclave, on la fait bien reposer, manger avec abondance, aller au hammam et revêtir des vêtements neufs. Puis, le maître l’appelle un soir. Celle qui sait plaire reçoit des bijoux, des caftans, des servantes ; elle

  1. Petits fourneaux de terre.