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derrière les vieux murs en ruines

par les anciens. Il en remontrerait même au célèbre Hammadi et à sa nièce Khdija Temtam, dont, un jour, il me conta l’histoire, Mais un peintre italien, — Allah le confonde ! — dérouta quelque peu les conceptions millénaires de notre décorateur, en travaillant jadis à ses côtés, dans le palais du Sultan Mouley Abdelaziz.

Larfaoui subit ainsi la fâcheuse influence européenne. Il arrive parfois que son caprice fasse éclore des bouquets aux airs penchés, aux fleurs presque naturelles, sur des fonds roses, bleu pâle, ou gris.

Grâce à Dieu ! Larfaoui réserve ces innovations pour les demeures des marchands enrichis, tel ce tager Ben Melih qui n’a point le goût des belles peintures symétriques où s’enchevêtrent les lignes.

Larfaoui sait que nous, Nazaréens, apprécions le vieux style. Même il a pour moi certaine considération, parce que j’en connais à présent la technique, et ne laisse passer aucun décor moderne sans le repérer aussitôt parmi les entrelacs, telle une vipère dans les branches.

J’aime à faire travailler Larfaoui chez moi, pour la jouissance de le voir peindre. Il ignore la mélancolie. Ses pensées ont la nuance joyeuse et changeante des couleurs qu’il manie. Il excelle à balancer les verts, les jaunes, les rouges et les bleus, à créer des rapprochements où le regard se plaît. C’est un maître ! Il en a le sentiment et