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derrière les vieux murs en ruines

éléments du monde accordés par Allah, l’humble artisan devient réellement l’homme créateur. Il sait confectionner les beaux vases aux flancs sonores et les instruments nécessaires à la vie C’est lui qui façonna, brique par brique, toutes les demeures de Meknès.

En dehors des cavernes s’agitent les enfants et les femmes, que leur entendement étroit destine aux labeurs grossiers. À demi nues, sauvages et vigoureuses comme de simples femelles, ces femmes pétrissent la glaise avec leurs pieds, sans repos, sans pensée, absorbées par l’incessant travail monotone et dur. Leurs membres musclés sont beaux et leurs corps sont parfaits, malgré les faces bestiales qui repoussent.

Le tourneur auquel nous venons commander les hautes jarres à provisions, où l’on conserve l’huile et les grains, est un artisan chenu.

Complaisant, mais peu loquace, il travaille en silence devant nous, et tire, de son bloc de glaise, les plus surprenants objets.

— Il est le maître des maîtres, — nous dit un de ses compagnons, Allah le conserve et le dédommage ! C’est le père de Saïd, ce petit que vous avez chez vous.

— Comment, son père ?… Saïd nous a dit qu’il était mort avant sa naissance…

Le vieux tourneur se met à rire :

— Saïd vous a menti. Vous ne savez pas encore toute sa malice ! Que le Seigneur m’en