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derrière les vieux murs en ruines

Une femme chante et sa voix, brisée comme un sanglot, semble l’haleine de la cité.

C’est un air obsédant et triste, indéfiniment répété, où vibre toute l’âme de l’Islam, sa passion, sa griserie, son indéfinissable mélancolie, et qui s’arrête soudain, en l’air, suspendu… dans une attente…

Des oliviers, au sommet de la colline, détachent leurs silhouettes sur un obscur et rouge flamboiement. Puis la lune s’élève, déformée, monstrueuse, plus écarlate qu’un coussin de cuir filali.

Une à une les terrasses surgissent des ténèbres, reflets étagés qui s’affirment et se précisent, nappes de lumière bleue, transparente et fluide, au-dessus des ombres dures, miroirs tournés vers le ciel.

Les rayons glissent entre les arcades du menzeh, et nous enveloppent.

Tout à coup, Kaddour impétueux dérange notre rêve.

— Ô Sidi ! Ô Lella !… Venez voir ce que j’ai trouvé.

Le son des paroles blesse le silence. Nous ne sommes point disposés à entendre ni à remuer.

— Par Allah ! le Clément ! le Miséricordieux ! il faut que vous descendiez.

Nous le suivons sans enthousiasme. La coupole perforée de sa lanterne projette, aux murs, des ombres géométriques. Il nous entraîne dans le vestibule, se penche, éclaire un petit tas grisâtre…