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derrière les vieux murs en ruines

ma curiosité. J’ai hâte de connaître les réjouissances féminines. Je n’ignore pas que la maison ne comporte qu’une seule chambre, celle-là même où se tiennent les hommes et où languit la noire mariée.

Une vieille esclave, louée ou prêtée pour les noces, en même temps que le haïti de velours, les tapis, les matelas, les coussins, le plateau et les tasses à thé, m’introduit dans le harem. C’est une sorte de réduit qui sert habituellement de cuisine et de « pièce aux ablutions »[1]. Les parois et le plafond, si bas qu’on ne peut se tenir debout sans courber la tête, sont noircis de fumée, luisants de crasse, et la bouche d’égout, ouverte dans un coin, répand des odeurs pestilentielles. Une dizaine de femmes s’écrasent dans ce taudis, vêtues de satins éclatants, l’air heureux et compassé qu’il sied d’affecter en la circonstance.

Les plus âgées restent accroupies sur des nattes qui couvrent la terre ; d’autres aident la « maîtresse des choses » à préparer le festin du soir. Les parfums de graisse, d’huile, d’aromates, de fleurs d’oranger, de chair humaine en moiteur et de fards, mêlés aux exhalaisons de l’endroit, composent la plus nauséabonde, la plus irrespirablement infecte des atmosphères. Mais personne n’en semble incommodé. J’aperçois mes trois petites filles radieuses, l’œil ardent, la mine un

  1. Water-closet.