Page:Lens - Derrière les vieux murs en ruines, roman marocain, 1922.djvu/218

Cette page a été validée par deux contributeurs.
213
derrière les vieux murs en ruines

sionnent. On craint que les murs disloqués ne s’ébranlent définitivement à leur vacarme.

Peut-être est-ce tant de cris et de bruit en un si petit espace qui affecte fâcheusement l’époux…

Tout le quartier est en émoi ; mes petites filles ne cachent pas leurs inquiétudes. Rabha surtout se frappe d’une telle aventure ; elle me confie ses tourments avec un air sérieux de matrone et des hochements de tête qui en disent long :

— Ô mon malheur ! Encore vierge, la mariée, après trois jours !… Pourtant si Mohammed entre chaque soir dans le Ktaa[1], mais une sorcière lui a jeté l’œil !… Dieu sait quand on pourra sortir le siroual[2] !

Je conçois que les fillettes en perdent l’esprit. Les fêtes d’un mariage le leur troublent toujours un peu, et celui-là, si proche et palpitant, les met en effervescence. Elles passent leur temps à plat ventre, au bord de la terrasse, tâchant d’apercevoir, très en contre-bas, la petite cour où se déroulent les noces. Je leur permets aussi d’aller, vers le moghreb, prendre part aux réjouissances ; elles ne vivent plus que dans cette attente. Tout le jour elles se peignent, s’habillent, réclament leurs bijoux. Elles ont revêtu chaque fois des caftans différents et des tfinat variées. J’ai promis ce soir de les accompagner et les trois petits fan-

  1. Alcôve formée par des draperies, où la mariée reste enfermée.
  2. Pantalon.