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derrière les vieux murs en ruines

C’est à cet appui robuste et bien bâti qu’elle doit de ne pas s’ébouler tout entière.

De la rue, on ne distingue que les pans de murailles poussiéreuses, ébréchées, penchantes, un effondrement envahi par les herbes. Vestiges de logis abandonnés après un cataclysme, ou plutôt ruines très anciennes, ruines mortes, que le temps émiette chaque jour davantage… Pourtant des portes s’ouvrent dans ces murs, telles des crevasses, bouchées par quelques mauvaises planches, et plusieurs familles vivent au milieu de ces décombres, y prospèrent, s’y reproduisent, y meurent… Le soir, les femmes grimpent aux démolitions qu’elles appellent encore « les terrasses » ; elles se rejoignent pour causer, en escaladant avec précaution les plâtras amoncelés et les poutres douteuses.

Depuis quelques jours, le concert des instruments et des chants, les yous-yous stridents qui entrent en vrilles dans les oreilles, dénoncent la suprême fête de vie dans ce squelette de maison.

Mohammed le vannier épouse une jeune vierge noire, fille de Boujema, le chien de l’eau[1]. On la lui amena l’autre soir en grande pompe, et le tintamarre de ses noces trouble notre sommeil. Les musiciennes font rage, elles ont des voix nasillardes qui percent la nuit et le sourd ronflement des tambours. Elles irritent, elles impres-

  1. L’indigène préposé aux canalisations.