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derrière les vieux murs en ruines

lui, — je me tiens modestement à l’écart, toute pénétrée de mon indignité ; — il nous introduit auprès du marabout.

Des femmes, des malades encombrent déjà le sanctuaire. Il est étroit et plaisant. Tous les maîtres artisans de la ville y excellèrent en leurs travaux : les menuisiers ont sculpté la porte de cèdre, les peintres y mélangèrent harmonieusement les couleurs et les lignes, les mosaïstes pavèrent le sol d’étoiles enchevêtrées.

Des rayons verts, bleus et jaunes pénètrent à travers les vitraux enchâssés dans les stucs, ajoutant leur éclat à celui des tapis neufs, des coussins en brocart et des sofas recouverts d’étoffes voyantes.

Des cages de jonc, où roucoulent des tourterelles, se balancent devant l’entrée. Des cierges flambent dans les niches ; une odeur d’encens se mêle aux exhalaisons des pauvres pèlerins.

Mouley Ahmed est devenu un saint très somptueux. Lui-même, bien vêtu, propre, sa face rougeaude, aux yeux vagues, correctement entretenue par le barbier, il semble un riche bourgeois repu, plutôt qu’un marabout dont la sainteté consistait précisément à vivre crasseux et demi-nu, sous le soleil et sous la pluie…

Dévots et dévotes passent tour à tour devant Mouley Ahmed qui les regarde idiotement, et profère des sons absurdes.

Les dons s’entassent, les piécettes tombent à