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derrière les vieux murs en ruines

offrande au marabout Mouley Ahmed, afin de s’en attirer la bénédiction.

Le saint homme siège cependant à petite distance de ma demeure, et, n’étaient ces voiles encombrants et ces poulets, je me réjouirais de l’aventure qui me permettra de l’approcher. Mouley Ahmed a, sur tant d’autres faiseurs de miracles, l’avantage d’être encore vivant, ce qui ne laisse pas que d’être appréciable, même pour un marabout. Mais peut-être ne songe-t-il pas à cette propre baraka[1]. Il ne semble point qu’il ait jamais été capable de raisonnement, et c’est bien pour cela qu’il est saint !

Il y a longtemps qu’il vint à Meknès, sans y provoquer la moindre émotion. Il était pauvre, loqueteux et faible d’esprit. Le mouvement et le travail lui répugnant à l’extrême, il s’installa contre un mur et n’en bougea plus. Comme il proférait des paroles incohérentes, et supportait le froid, la pluie et le soleil sans en ressentir l’inconvénient, les gens se prirent à lui témoigner quelque respect. Une femme du quartier se dévoua bientôt à son service : elle peignait ses cheveux bouclés et sa barbe crasseuse, nettoyait le sol autour de lui, entretenait à ses côtés un petit canoun allumé.

Or un Marocain astucieux, ayant compris combien il serait profitable d’exploiter la baraka d’un

  1. Bénédiction apportant la chance.